Charlotte Delbo : Poète de la mémoire
Titre : Charlotte Delbo : Poète de la mémoire
Auteure : Rolande Causse
Editions : Oskar
Année de parution : 2015
Pages : 182 pages
Prix : 9,95 €
Résumé :
Charlotte Delbo est un des auteurs de la déportation et des souffrances humaines. Comme Primo Levi avec Si c’est un homme
Comme Alain Resnais avec Nuit et brouillard
Comme Claude Lanzmann avec Shoah.
Charlotte Delbo a vécu un AMOUR inoubliable avec Georges Dudach, son époux, fusillé au Mont-Valérien.
Charlotte Delbo a découvert le THEATRE lorsqu’elle travaille et voyage avec LOUIS JOUVET.
Puis elle vit la RESISTANCE, l’arrestation, la déportation aux camps d’AUSCHWITZ-BIRKENAU et de RAVENSBRÜCK.
Enfin l’ECRITURE, Charlotte compose une trilogie bouleversante : Auschwitz et après.
Sur ses deux cent trente compagnes déportées, seules quarante-neuf sont revenues. Pour toutes, elle écrit Le Convoi du 24 Janvier.
Cet écrivain remarquable créé neuf pièces de théâtre et les magnifiques textes et poèmes de : Spectres, mes compagnons, La mémoire et les jours…
Mon opinion personnelle :
Je commence par remercier Angélique et les éditions Oskar pour ce bel envoi !
Férue d’Histoire, toujours curieuse de mieux découvrir la Seconde Guerre Mondiale et ses misères, mais également passionnée de théâtre, il était donc très naturel pour moi de me diriger vers cette biographie. Je ne connaissais Charlotte Delbo que de nom, et j’ai été ravie de pouvoir enfin cerner son parcours grâce à cet ouvrage que j’ai trouvé très bien fait.
Bien entendu, ici, on ne parlera pas de personnages. Charlotte Delbo est une femme au lourd passé, très cultivée, qui est partie de presque rien pour, au final devenir un honorable témoin de l’Histoire. Forte face à toutes les épreuves qu’elle a endurées, elle est un exemplaire de volonté et de résistance. Son désir de faire perdurer la mémoire des victimes de la déportation, son amour pour l’art théâtral, sa capacité à gravir les échelons et à se remettre du pire… Elle est admirable, par sa bravoure et sa richesse d’esprit. Un de ses amis m’a également beaucoup marquée. Il s’agit du dramaturge Louis Jouvet, un homme élégant, talentueux, qui fut à la fois son employeur, son ange gardien, et son meilleur ami. Si j’étais au début plutôt dubitative quant à la sincérité de sa bonté, j’ai fini par comprendre qu’il était réellement un homme certes singulier, mais surtout remarquable.
Le style de l’auteure est très intéressant, et va parfaitement bien au genre biographique. En effet, il est plutôt simple, facilement compréhensible, ce qui permet à l’ouvrage d’être accessible pour tous les types de lecteurs, ce qui correspond (selon moi) aux critères parfaits pour un livre historique digne de ce nom. (Un Kestenpenses en prévision ? Peut-être bien…) Cependant, l’écriture est tout de même très efficace. Dès le début, on se sent plongé dans l’univers des années 1930, et il devient vite impossible de se détacher de l’ouvrage. Les informations historiques sont bien mises en évidence, claires, nettes, et précises. La fiction est bien entendu quelque peu présente dans le texte, mais j’ai, pour vous, creuser un peu, et peut vous affirmer que la très grande partie des éléments de ce récit sont avérés.
Intrigue n’est bien sûr pas le terme à employer pour parler de la bouleversante histoire de Charlotte. Sa vie est plutôt atypique, il faut l’avouer. Nous commençons par découvrir une jeune fille intelligente, rêveuse, douce, amoureuse. Peu de pages sont consacrées à sa vraie jeunesse, celle qui n’avait pas encore été volée par la Guerre. C’est un choix intéressant de se focaliser uniquement sur ce que le conflit a fait d’elle, et non pas de ce qu’elle était. Il peut plaire à certaines personnes, et donne la possibilité d’abréger le récit. Très personnellement, ce n’est pas une idée qui m’a convaincue, puisque j’aurais aimé être encore plus frappée par l’avant/après. Néanmoins, c’est vraiment la seule chose qui m’a chiffonnée dans ma lecture, rassurez-vous. Lorsque le décor commence à s’assombrir, que les tensions se forment, l’histoire prend une toute autre tournure. Envolées, les balades romantiques et les projets d’avenir. Rapidement, le texte se focalise sur Charlotte, et fait une croix sur ce qu’elle avait pu vivre avant d’être arrêtée, puis déportée. J’ai été surprise de noter qu’il y a en réalité très peu de pages qui portent concrètement sur la vie dans les camps. Charlotte étant une déportée politique, ses conditions de vie étaient encore plus terribles (Merci le camp de Struthof cet été, j’avoue) et drastiques. Une fois la surprise passée, je n’ai finalement pas été dérangée par ce peu de détails, car à vrai dire, la vie dans les camps est malheureusement « identique » dans pratiquement tous les récits. Néanmoins, je me suis sincèrement demandée ce que l’auteure allait faire de la centaine de pages qu’il restait à couvrir. Et c’est là que j’ai compris. Ce bouquin n’est pas là pour représenter la déportation en elle-même, mais plutôt pour témoigner de la reconstruction au retour des camps. Je me suis alors rendue compte que là encore, j’avais énooooooormément de lacunes sur cette partie de cette période de l’Histoire. (Très Français tout cela) On apprend donc beaucoup de choses, et l’art, notamment théâtral, finit par prendre une place prépondérante dans le récit. On suit Charlotte dans son combat pour remonter la pente, on la voit progresser… C’est un véritable message d’espoir et de courage qui nous est transmis dans cette lecture. Il est impressionnant de constater comme le théâtre peut sauver des vies, comment l’écriture peut en rétablir d’autres. Le devoir de mémoire est omniprésent dans cette biographie, ce que j’ai trouvé très bien. C’est assez particulier à écrire, mais il y a également une certaine forme de magie dans cet ouvrage. Il est difficile de l’expliquer, mais, en quelque sorte, découvrir tant de contrastes, entre la violence que subit la jeune femme et la paix qu’elle trouve dans l’art, sans pour autant avoir l’impression d’être à côté de la plaque… Je ne sais pas, il y a en tous cas quelque chose dans le parcours de cette femme qui m’a profondément touchée, et qui impose, sans aucun doute, le respect.
Quand vous achevez cette lecture, vous avez plusieurs pensées qui vous traversent l’esprit. D’une part, vous vous dites qu’il fait absolument que vous vous procuriez les œuvres de Charlotte Dalbo, pour encore mieux comprendre. Vous vous dites que vous avez de la chance de vivre dans une époque et une société comme les nôtres. Vous ne voyez plus les choses de la même façon, je peux vous le garantir. Ce type d’ouvrages, les biographies, les récits historiques, amènent à de vraies remises en question, ce que j’apprécie énormément. Il conduit à modifier sa vision de choses, c’est une bouffée d’oxygène qu’on prend, un peu honteux et coupables, comme pris en flagrant délit. Comme si cette claque éclairait cette ignorance dont, malheureusement, on se contente trop souvent. C’est pour cela, que j’aime tant les bouquins historiques, surtout sur cette période. (Mais là, je déborde sur le Kestenpenses, alors chut !)
Le titre est bien trouvé, car l’expression « Poète de la mémoire » correspond parfaitement bien à Charlotte. J’ai un peu plus de mal avec la couverture, car même si elle représente bien l’histoire dans ses moindres détails, je ne suis pas persuadée qu’elle suffira à attirer l’œil de jeunes lecteurs, ce qui est bien dommage…
Alors, j’espère de tout coeur que vous aurez compris à quel point il est important de lire cette biographie, ou au moins, une biographie. Mais cette collection, Résistantes & Résistants, est vraiment très bien réalisée, je vous la conseille vivement. Charlotte Dalbo et son histoire ont à présent marqué ma mémoire, et je souhaite qu’il en soit de même pour les vôtres. Bien plus qu’une dramaturge, bien plus qu’une Résistante, elle est un modèle pour ses contemporains. N’oublions jamais…
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J’ai adoré ! |
Livre se trouvant dans ma propre bibliothèque.
Livre reçu grâce aux éditions Oskar. Merci à eux pour cet envoi !
Je note, il est important de lire ce type de livre de temps en temps 🙂
Je suis tout à fait d'accord, et te le conseille vivement 🙂
Je ne connais cette auteure que de nom, mais au Brevet c'était un de ses textes qui était tombé (il y a deux ans)
Mais je devrais m'intéresser un peu plus à elle !
PS:j'ai vu que tu lisais Madame Bovary dans l'édition Larousse. Cette dernière est super, c'est ma préférée, mais les éditions Hatier ont publié encore mieux ! C'est une édition spéciale pour l'épreuve de littérature au bac, avec un dossier très complet sur la génèse de l'oeuvre et surtout une trentaine de questions type bac sont traitées en profondeur. De plus, la typo est relativement grosse pour pouvoir annoter etc.
Je te conseille d'y jeter un coup d'oeil !
Bon courage 🙂
C'est un vrai, un texte d'une femme au brevet ? Qui plus est, Charlotte Delbo ?! Dommage, je l'ai passé l'année juste avant… (Enfin, il me semble, les Maths et moi, ça fait 12647892,23685) Merci beaucoup pour la recommandation pour Madame Bovary, je vais aller me renseigner sur cette édition ! Tu l'as lu j'imagine ? C'est un classique qui me tente beaucoup, j'ai hâte de m'y mettre 🙂
Je suis d'accord avec le fond de l'histoire, si histoire il y a- l'écriture est parfois très très belle. Déceler l'ironie omniprésente mais cachée est très sympathique. Le problème c'est que ce livre ''sur rien'' comme Flaubert disait ne m'a rien procuré , à part de l'ennui. Il a poussé le réalisme jusqu'à retranscrire la platitude de la campagne normande. C'est à ma deuxième lecture, plus approfondie, que je me suis rendue compte du travail effectué. C'est un concentré de vies, tous les thèmes y sont abordés, et ca, c'est fort. Je pourrai en parler des heures, mais jamais je ne dirai que j'ai pris plaisir à lire cet ouvrage, qui d'un point de vue strictement littéraire , pourtant, est un chef d'oeuvre.