Titre : Le Joueur d’échecs
Auteur : Stefan Zweig
Editions : Le Livre de Poche
Année de parution : 1991
Pages : 94 pages
Prix : 3 €
Résumé :
Qui est cet inconnu capable d’en remontrer au grand Czentovic, le champion mondial des échecs, véritable prodige aussi fruste qu’antipathique ? Peut-on croire, comme il l’affirme, qu’il n’a pas joué depuis plus de vingt ans ? Voilà un mystère que les passagers oisifs de ce paquebot de luxe aimeraient bien percer.
Le narrateur y parviendra. Les circonstances dans lesquelles l’inconnu a acquis cette science sont terribles. Elles nous reportent aux expérimentations nazies sur les effets de l’isolement absolu, lorsque, aux frontières de la folie, entre deux interrogatoires, le cerveau humain parvient à déployer ses facultés les plus étranges.
Mon opinion personnelle :
Je prépare actuellement un exposé sur l’Humanisme aujourd’hui, et plus particulièrement, en ce qui me concerne, sur Stefan Zweig. Ainsi, lorsque je suis tombée sur ce fameux livre dans la location que j’occupais la semaine passée, j’ai sauté sur l’occasion de mieux cerner cet auteur pour mon exposé. J’ai bien fait, car je suis tombée sous le charme.
Les personnages sont fantastiques. On sait au final assez peu de choses sur le narrateur, qui reste assez effacé et neutre tout au long du texte. Néanmoins, on parvient à comprendre qu’il s’agit d’un homme bon et simple, qui inspire confiance. Czentovic, le champion d’échecs, est, lui, un protagoniste horripilant. Rebutant, grossier, imbu de sa personne, il est tout simplement détestable et antipathique. Quant au dernier personnage important, l’inconnu, je l’ai beaucoup apprécié. Complexe et simple à la fois, il est très intéressant, voire même fascinant. Il dévoile tout au long du texte divers visages, ce que j’ai trouvé très pertinent et enrichissant.
Le style de l’auteur est incroyable. Dès les premières lignes, il a su me happer totalement dans son univers. Les mots choisis sont sans prétention, mais très efficaces. On sent d’ailleurs qu’ils sont mûrement réfléchis, que ce texte est lourd de sens. Pourtant, il n’est pas pour autant difficile à lire. J’ai été surprise de voir que son écriture était si accessible. Et j’ai alors dévoré ce roman plus que je ne l’ai lu, grâce à un rythme très bien amené et très entraînant.
L’intrigue est très étonnante. Déjà, le principe de mettre ainsi les échecs au coeur de l’histoire est assez surprenant. Avant ma lecture, je me demandais comment tout ceci allait être tourné. En réalité, les échecs ne sont qu’un prétexte pour aborder un sujet bien plus profond. En réalité, la vie de Czentovic n’est qu’un prétexte pour laisser place à l’inconnu. Mais ce prétexte n’est pas choisi au hasard, loin de là. Je reviendrai sur ce point plus tard. Le lecteur apprend donc en premier lieu à découvrir ce célèbre champion international d’échecs, et à le détester. Assez rapidement, le tour est fait, les avis sont tranchés. On se demande donc comment l’histoire va pouvoir décoller. Zweig prend alors les choses en main, très rapidement et très efficacement. Petit à petit, il bascule sur la vie de l’inconnu. C’est ainsi l’occasion de traiter de la Seconde Guerre Mondiale, et de toutes les horreurs liées au nazisme. Je vais ramener ma maigre science, et vous rappeler que Zweig était un humaniste convaincu, et qu’il a fuit l’Autriche pour échapper aux méfaits d’Hitler. Ainsi, avec cet ouvrage, il retrace en quelque sorte son propre parcours. Bien sûr, il y a un grand nombre de disparités. Mais l’idée est là. J’ai trouvé ce principe très pertinent, il permet vraiment de mieux comprendre l’auteur. Revenons à nos moutons. Avec beaucoup de finesse et d’intelligence, ce bouquin met en scène le sadisme et le côté calculateur des nazis. Lorsque l’inconnu commence à narrer sa vie, on est loin de se douter des atrocités qu’il a vécues. Lorsque l’inconnu raconte sa vie, on est loin de faire le rapprochement avec les échecs. Et puis, petit à petit, tout s’éclaire. Le récit de cet homme si étrange se fait plus sombre, plus pressant, mais aussi plus intéressant encore. Je ne m’attendais pas du tout à une telle intrigue, à vrai dire. La véritable histoire ici, c’est celle de l’inconnu. Au tout début du texte, on rapproche le titre à Czentovic. Mais rapidement, on comprend que tout ceci n’est qu’un leurre. Comme si Zweig souhait échapper à une censure qui l’étouffe, il déguise habilement le sujet dont il veut vraiment parler derrière des apparences échéquières. C’est remarquable. Toutefois, rien n’est laissé au hasard dans cet ouvrage. Les échecs sont un jeu compliqué, presque scientifique, qui nécessite réflexion, stratégie, et sacrifice. C’est un jeu de hiérarchie, de pièges tendus. Cela ne vous rappelle rien ? Cherchez un peu. Vous voyez où je veux en venir ? Oui. A mon sens, il y a là un véritable lien avec le nazisme, mais aussi avec le conflit idéologique qui s’annonce, à la veille de la Guerre Froide. Toute la folie, toute la cruauté décrite par l’inconnu à propos des échecs, tout ça, c’est exactement comme si la Guerre était comparé à un jeu. C’est grandiose. Zweig est fort, très fort. Je n’ai jamais aussi bien cerné l’aspect stratégique de la Seconde Guerre Mondiale.
La fin m’a beaucoup plu. Plutôt que de tomber dans des choses compliquées, ou dans des éléments bien trop romancés, l’auteur reste simple, et fidèle à lui-même. Il parvient encore à nous surprendre, avec idées toujours plus ingénieuses les unes que les autres. Il soulève de façon implicitement la résonance de la Guerre, dans les esprits, dans les mœurs. A vrai dire, j’ai eu, en quelque sorte, le sentiment que la chute était un condensé de la Seconde Guerre Mondiale. Prémices. Affrontement. Résonance. Encore une fois, c’est très fin, et ça fonctionne très bien. Ce bouquin est porteur d’un très beau message, d’une morale qu’on est obligé de retenir. En effet, on sort de cette lecture marqué. Il est impossible de l’oublier. Il a beau être extrêmement court, cet ouvrage est extrêmement fort. Comme quoi, pas besoin d’en dire des tonnes pour songer à l’essentiel.
Le titre est, comme je le disais, trompeur, mais très bien choisi. Car en plus de bien représenter le récit, il en dévoile indirectement toutes les ambiguïtés. La couverture est très simple, pas forcément magnifique, mais elle représente bien divers aspects de l’ouvrage, ce qui est notable, même si on a vu plus esthétique.
Au final, je vous recommande très vivement ce petit livre. Accessible et efficace, il saura vous plaire et vous convaincre, j’en suis sûre. Il permet d’ouvrir plus grand les yeux sur la Seconde Guerre Mondiale, et de découvrir l’immense talent de Zweig. En ce qui me concerne, j’ai à présent une irrésistible envie de sortir d’autres livres de lui de ma PAL… En attendant, n’hésitez pas à lire ce bouquin, car vu sa taille, vous serez assuré de ne rien y perdre !
J’ai adoré ! |
Découvrir Zweig devient presque une obsession pour moi ! Tu donnes vraiment envie de découvrir ce roman, qui a l'air très profond. Beaucoup me conseillent LETTRE D'UNE INCONNUE, qui semble extraordinaire. Si tu le lis, je prendrais grand plaisir à lire ta chronique !
Oui, il faut absolument que tu le découvres !! Surtout celui-ci ! Effectivement, Lettre d'une inconnue a l'air fantastique ! Il est dans ma PAL, j'ai bien prévu de le lire rapidement vu sa petite taille, alors tu auras ma chronique bientôt, normalement 🙂
Tu m'as convaincu: je veux le lire !!! 😀
J'en suis ravie, car il faut absolument que tu le découvres ! 😀
Tu me donnes vachement envie de le lire ! A voir :p
Je suis sûre qu'il te plairait ma belle ! ♥ Tente !