Titre : Marion, 13 ans pour toujours
Auteure : Nora Fraisse
Editions : Calmann-Lévy
Année de parution : 2015
Pages : 188 pages
Prix : 16,50 €
Résumé :
« Marion, ma fille, le 13 février 2013, tu t’es suicidée à 13 ans, en te pendant à un foulard, dans ta chambre.
Sous ton lit en hauteur, on a trouvé ton téléphone portable, attaché au bout d’un fil, pendu lui aussi pour couper symboliquement la parole à ceux qui, au collège, te torturaient à coups d’insultes et de menaces.
J’écris ce livre pour te rendre hommage, pour dire ma nostalgie d’un futur que tu ne partageras pas avec moi, avec nous.
J’écris ce livre pour que chacun tire les leçons de ta mort. Pour que les parents évitent à leurs enfants de devenir des victimes, comme toi, ou des bourreaux, comme ceux qui t’ont fait perdre pied. Pour que les administrations scolaires s’évertuent à la vigilance, à l’écoute et à la bienveillance à l’égard des enfants en souffrance.
J’écris ce livre pour qu’on prenne au sérieux le phénomène du harcèlement scolaire.
J’écris ce livre pour que plus jamais un enfant n’ait envie de pendre son téléphone, ni de suspendre à jamais sa vie. »
Mon opinion personnelle :
Je commence par remercier les éditions Calmann-Lévy et la Masse Critique Babelio pour cet envoi !
Il est difficile de chroniquer un livre comme celui-ci. Je l’ai lu par hasard. Lors de la Masse Critique, j’errais sur le site, histoire de voir ce qu’il restait. Et puis, j’ai été interpellée par le regard de Marion. Un regard trop vrai pour être celui d’un figurant. J’ai parcouru le résumé, la phrase d’accroche. C’est devenu clair, il me le fallait, et j’ai eu la chance de pouvoir le recevoir. J’ai fait quelques recherches sur l’histoire de Marion, sans trop en faire pour éviter cette censure et ce manque d’objectivité imposés par les médias, et je me suis lancée.
Cette histoire vraie est celle de Marion et de ses proches. Marion était une jeune fille adorable, qu’on ne peut qu’aimer. Elle était si généreuse, on sent, dans ses actes, dans ses mots, une grande maturité, quelque chose en plus que les jeunes de son âge n’ont pas. La vie l’a marquée, et dans ses mots, ses ultimes mots, cela se sent. C’est sa mère, Nora, qui nous relate son histoire, leur histoire. Cette femme est admirable, pour son courage, sa détermination, sa force. Ses actes sont remarquables. Elle a vécu l’enfer d’une mère qui perd son enfant, et pourtant, elle s’est relevée, pour sa fille, pour se battre. Se battre contre ce qui a tué Marion. Elle porte un message terrible, mais à entendre. Leurs deux parcours se mêlent donc pour nous sensibiliser, à l’aide d’un réalisme poignant, à cette violence qu’est le harcèlement scolaire. C’est donc l’occasion de croiser bien d’autres acteurs de ce récit, mais je vous reparlerai d’eux plus tard.
J’ai énormément apprécié le style d’écriture. Il me semble, d’après ce qui est écrit sur la 4ème de couverture, que la mise en forme du texte a été faite par Jacqueline Remy, et non entièrement par Nora Fraisse. Je n’en suis pas sûre, mais honnêtement, on s’en fout. Les mots sont parfaitement bien choisis. Ils sont simples, il n’y a pas de fioriture dans ce livre, rien en trop. Simplement la vérité. C’est ainsi qu’on est le plus touché, par une écriture fluide, moderne, et directe. Il est alors impossible de ne pas être frappé en plein coeur par le récit de Nora. Les pages défilent à une vitesse folle, on est totalement happé par cette terrible histoire, par l’injustice de ce récit, et par le besoin de changer les choses qu’il provoque. Ce livre cherche seulement à établir la vérité, à la crier, à la dénoncer. Il réussit sa mission avec brio, et entraîne le lecteur dans son combat.
Venons-en donc au fait. L’histoire. Elle est frappante, honteuse, injuste. Elle laisse un goût amer dans la bouche. Ce livre aborde tellement de sujets délicats. Je ne sais par où commencer. Quand je repense à ce bouquin, je pense à tellement de choses. Il y a bien entendu le décès de Marion. Quoi de plus douloureux que d’apprendre qu’une jeune fille de 13 ans s’est donnée la mort ? Et tout ça, à cause d’abrutis, de jaloux, de vicieux, de salopards ? Le harcèlement scolaire est quelque chose qui me touche tout particulièrement. Personne n’a le droit de souffrir comme a souffert Marion, personne n’a le droit de mourir comme est morte Marion. On connaît à l’avance les grands axes de son histoire, mais on ne peut s’empêcher de suffoquer en lisant ces douloureuses lignes. C’est révoltant, et des sentiments contradictoires se bousculent dans le coeur du lecteur : Pitié, colère, tendresse, haine, impuissance… Marion avait tout pour elle, tout pour être heureuse. Elle était belle, intelligente, amoureuse, aimée par sa famille, généreuse. Mais dans notre société égoïste, le bonheur est interdit. Des gamins, qui ne lui arrivaient pas à la cheville, ont décidé de mettre un terme à son doux quotidien. Mais qui étaient-ils, pour décider cela ? Qui étaient-ils pour critiquer, juger, agresser, insulter une autre ? J’ai peur pour les générations futures. Il y a un véritable problème. Comment, à 13 ans, peut-on pousser quelqu’un à la mort ? Comment peut-on ordonner à quelqu’un d’aller se pendre ? Comment ? Tant de questions se bousculent à la lecture de ce témoignage. Qui resteront probablement sans réponse. Et qui vous tarauderont toute votre vie, qui ne pourront vous laisser de marbre. Car, aussi douloureux que soit cet épisode de la vie de Nora et de sa famille, il ne s’arrête pas là. Je ne pensais pas pouvoir être plus révoltée. J’avais tort. En suivant la quête de Nora, j’ai découvert des choses que je pensais impossibles. Une mère, qui cherche simplement à comprendre, devient, de nos jours, un fardeau. Un bal d’hypocrisie et d’ignorance est alors donné. Les réactions des gens m’ont pétrifiée. D’un côté, il y avait les voisins, les habitants du village. Qui transforment cette histoire, en font un sujet de désaccord, voire presque un jeu pervers. Une fois de plus, pourquoi ? Comment ? De quel droit ? Mais, les réactions les plus stupéfiantes, et honteuses, sont bien celles du corps professoral. Les enseignants, qui se cachent, ont peur. Leur comportement est inhumain, incompréhensible, inexcusable. Ils sont, pour moi, aussi responsables que les bourreaux de Marion. Leur silence a été leur bouclier, mais aussi leur arme, celle même qui a tué leur jeune élève. Et puis, il y a le directeur. L’évoquer en restant calme m’est très difficile. Je ne pensais même pas qu’une telle réaction était possible de la part d’un être humain. Je devenais enragée en voyant son masque tomber un peu plus à chaque page, et rarement dans ma vie, j’ai autant détesté un homme. Il me dégoûte, et ne fait que me donner encore plus envie de crier cette injustice, et de prendre part à ce combat.
De toute évidence, on ne sort pas de cette lecture indemne. Elle donne envie de changer les choses, de s’engager, de parler. Vous serez différent après la lecture. Profondément marquée par le récit de Nora, j’ai achevé ma lecture bouleversée, mais aussi plus que jamais motivée. On ne pourra jamais rétablir l’injustice dont Marion a été victime. Mais on peut empêcher de futurs drames, en se mobilisant. C’est en partie le silence qui a tué Marion. Pas son silence à elle, non, car elle, elle a parlé, sans être entendue. Le silence de l’Education Nationale, de son collège, des médias. Le harcèlement scolaire est bien trop fréquent, et bien trop peu montré du doigt. C’est à nous, élèves, à vous, parents, enseignants, politiciens, êtres humains, de changer les choses. Des événements comme celui-ci ne devraient plus arriver. Marion ne méritait pas cela, personne ne mérite cela. Prenons donc conscience de l’existence du harcèlement, qu’il ne soit plus une honte pour les victimes, qu’il disparaisse. Il n’est pas une fatalité, on peut y mettre un terme, en évitant d’abord de le débuter. En écrivant ce livre, en nous livrant son dur combat, Nora fait un pas vers nous, qui lisons son histoire. C’est alors à nous de poursuivre ce qu’elle a commencé, et de nous battre pour une justice trop difficile à donner. Marion, où que tu sois, je veux que tu saches que, pour toi, je vais me battre. Parler de toi, de ton histoire. J’ai déjà commencé, et ce n’est que le début. Les choses doivent changer, ce n’est plus une question de volonté, mais d’humanité. En ta mémoire, je te promets de parler, parler, parler. Et d’agir. Quant à vous, Nora, merci d’avoir pris le temps de partager votre histoire, merci de m’avoir fait prendre conscience de la gravité de cette situation. Merci de m’avoir entraînée dans votre combat.
Le livre-objet est tout simplement parfait, pour représenter le contenu. C’est très superficiel comme paragraphe, à côté de la profondeur du livre. Mais ce titre, et cette photo de Marion sont si saisissants, si réels, qu’ils ne peuvent qu’interpeller les gens. Et c’est exactement ce qu’il faut, ce dont nous avons besoin. De ne plus fuir, ou nous cacher, mais plutôt de nous impliquer.
Cette chronique a donc été très longue, et très particulière. Mais je ne pouvais pas faire autrement. J’espère avoir plus ou moins bien fait passer le message. Tout le monde devrait lire ce livre, en prendre connaissance, et prendre conscience de la virulence des cours de récréation. Élèves, parents, enseignants, tous. C’est un ouvrage qui se doit d’être dans tous les CDI, qui se doit d’être accessible à tous ceux qui souhaiteraient le lire, et notamment en milieu scolaire. Je vous recommande, non, vous ordonne de lire cet ouvrage, pour en sortir transformé, mais aussi pour vous mobiliser. Plus nombreux nous serons, plus vite les choses changeront. Sortons de notre silence, cessons de nous cacher derrière des masques ou des excuses, et avançons. J’adresse à Nora tout mon soutien, et à Marion, toute ma tendresse. Pardon. Et merci.
Livre se trouvant dans ma propre bibliothèque.
Livre reçu dans le cadre de la Masse Critique de Babelio, de la part des éditions Calmann-Lévy. Merci à eux !
Salut !
Comme à ton habitude, tu écris là une chronique très intéressante, on sent que ce sujet te tient à coeur, te revolte, et tu donne l'envie de te suivre.
Je viens de terminer 13 raisons de Jay Asher que j'ai bien aimé, mais comparé à ce livre, il (13 raisons ) me paraît un peu creux, vide de sens…
Je m'empresse donc de mettre le lien de ta chronique au bas de la mienne ( publiée demain)
Bref, ce livre doit être lu, tu as raison.
Treize raisons est dans ma PAL, il faut absolument que je m'y mette, mais effectivement, je pense qu'il n'y aura pas la même profondeur que dans ce véritable témoignage.
Merci pour ma chronique… Même si j'aurais préféré qu'elle et ce livre n'aient jamais à exister.
Sans rentrer dans les détails, je me sentais un peu comme Marion à l'école et c'est pour ça que j'ai vraiment envie de lire ce livre! Je suis aussi d'accord c'est dur de chroniquer un livre comme ça et on ne peut pas le noter mais juste lire ce témoignage avec un grand respect!
Jennifer
N'hésite pas à le lire alors, car même s'il est impossible de le juger, il est évident que son écho nous concerne tous…
J'ai lu ta chronique et je dois dire que je la trouve vraiment excellente. J'ai également lu ce livre et je dois dire qu'il m'a bouleversé. Il est important d'en parler je pense car c'est un sujet un peu tabou au sein de notre société alors qu'il y a tellement d'enfants qui sont concernés. Nora Fraisse a fait preuve d'un immense courge.
Soit dit en passant, ton blog est très joli. 🙂
Je suis tout à fait d'accord avec toi, étouffer l'affaire est loin d'être une solution, mieux vaut parler, parler, parler, comme l'a et le fait Nora Fraisse.
Sinon, merci pour ma chronique et mon blog 😉