Titre : Une femme à Berlin
Auteure : Anonyme (Marta Hillers)
Editions : Folio
Année de parution : 2009
Pages : 394 pages
Prix : 8,50 €
Résumé :
La jeune Berlinoise qui a rédigé ce journal, du 20 avril 1945 – les Soviétiques sont aux portes – jusqu’au 22 juin, a voulu rester anonyme, lors de la première publication du livre en 1951, et après. A la lecture de son témoignage, on comprend pourquoi. Sur un ton d’objectivité presque froide, ou alors sarcastique, toujours précis, parfois poignant, parfois comique, c’est la vie quotidienne dans un immeuble quasi en ruine, habité par des femmes de tout âge, des hommes qui se cachent : vie misérable, dans la peur, le froid, la saleté et la faim, scandée par les bombardements d’abord, sous une occupation brutale ensuite. S’ajoutent alors les viols, la honte, la banalisation de l’effroi. C’est la véracité sans fard et sans phases qui fait la valeur de ce récit terrible, c’est aussi la lucidité du regard porté sur un Berlin tétanisé par la défaite. Et la plume de l’auteur anonyme rend admirablement ce mélange de dignité, de cynisme et d’humour qui lui a permis, sans doute, de survivre.
Mon opinion personnelle :
Ce témoignage semblait me poursuivre. Vous avez été nombreux à me demander quel sujet j’avais travaillé pour mon épreuve de BAC de TPE, je vous donne donc la réponse ici : Les préjugés qui existaient entre Berlin Est et Berlin Ouest lors de la période du mur. J’avais donc d’abord entendu parler de cet ouvrage au cours de mes recherches pour cette épreuve. Plus tard, mon professeur d’Histoire (Oui, encore lui !) avait eu l’occasion de nous le recommander en cours, lors du chapitre sur la Guerre Froide, il me semble. J’ai donc fini par me le procurer. Je n’avais absolument pas prévu de le lire en ce moment, absolument pas le temps, mais un concours de circonstances, incluant mon Kestenpenses ?, les cours sur les Mémoires de la Seconde Guerre Mondiale, et les cours sur le Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne, m’a décidée à tout mettre en pause pour me plonger immédiatement dans ce livre. Ce que je ne regrette absolument pas.
C’est le même refrain à chaque témoignage que je vous chronique, mais ici, pas question de parler de personnages. Même si les noms ont été modifiés, comme expliqué dans le dossier, chaque personne évoquée dans ce récit a réellement existé, à commencer par la narratrice. Je me suis vraiment attachée à cette jeune femme, pour mille et une raisons. Sa force. Sa détermination. Sa bonté. Sa passion pour la littérature. Son poste dans l’édition. Son style. Et je pourrais continuer la liste encore longtemps. Cette femme est simple, et pourtant, sa personnalité ne peut que vous fasciner. Malgré tout ce qu’elle endure, elle parvient à garder une présence d’esprit et un courage incroyables. Le lecteur se trouve indéniablement séduit par cette anonyme si étonnante. Parmi les nombreuses personnes qui défilent dans ce récit, on voit de tout. Berlinois épuisés, Russes alcoolisés, étrangers pratiquement apatrides… Cette diversité permet de toucher à tous les aspects de cette fin de Seconde Guerre Mondiale, du moins, pour la situation de Berlin. Il est impressionnant de constater les écarts qui divisaient la population, entre les sexes, les âges, les nationalités, les origines… Le texte n’occulte pratiquement aucune catégorie, ce qui est fondamental pour comprendre la conjoncture berlinoise de l’époque. Même si, bien entendu, il faut prendre un certain recul sur les propos tenus (Oui, je le précise, même si je ne le pense pas forcément) pour avoir un véritable point de vue historique…
Le style est très étonnant, et surtout très agréable. Comme je vous le répète (J’ai l’impression de dire toujours la même chose quand je chronique des bouquins historiques) souvent, dans les témoignages, parfois, l’écriture laisse à désirer, car le fond est nettement plus important que la forme, pour ce genre, du moins. Cependant, là, on sent une belle plume, et l’expérience dans le domaine de l’édition. Plusieurs fois dans ma lecture, je me suis arrêtée sur certaines phrases, afin de les relire. Non seulement parce qu’elles sont belles, mais surtout parce qu’elles sont vraies. On sent beaucoup d’authenticité dans ce livre, mais aussi de la pudeur. L’évolution est palpable, tant dans le style que dans la maturité de l’auteure. La lecture est fluide, dès les premières pages, on se trouve emporté dans l’histoire de cette jeune femme. Très étrangement, j’avais beaucoup de mal à fermer l’ouvrage. Parce qu’il est captivant, mais notamment parce que sinon, j’avais l’impression d’abandonner la narratrice à son triste sort, et je me sentais coupable. C’est pour vous dire à quel point elle a bien réussi à transcrire la réalité dans ses mots…
Ce texte est loin d’être une partie de plaisir, d’être léger et facile. Je vous préviens de suite, même si vous l’aurez sans doute déjà compris. Je vais rentrer dans le vif du sujet, et vous parler un peu du sujet « majeur » de ce récit, ce qui revient le plus souvent, de manière alarmante, à savoir les viols subis par les Berlinoises. (Oui, j’y vais franco, vous me connaissez) En cours, on voit des chiffres. Oui, je savais qu’environ 100 000 femmes avaient été violées par les Soviétiques en l’espace de quelques mois. Mais au final, un chiffre, qu’est-ce-que c’est ? Rien. Ca ne veut rien dire. Ce qu’il y à savoir, c’est ce que l’auteure vous explique de manière percutante. Le viol devient une banalité, les Berlinoises sont résignées. Il est presque tout aussi naturel d’être violée que d’être saluée. Le lecteur est évidemment éberlué par cette situation, et pourtant, elle est bien réelle. On pourrait penser que, pour ces femmes, le viol devient alors un tabou. Absolument pas. Au contraire, comme le précise la jeune narratrice, il est étonnamment normal de parler des abus sexuels endurés avec sa voisine ou, n’importe qui. Pour cela, pour leur capacité à garder la tête haute, ces femmes sont admirables. On a tendance, lorsqu’on parle de la Seconde Guerre Mondiale, à se représenter les Allemands comme étant des monstres, des bourreaux. Pas tous. Ce témoignage est parfait pour contrer les préjugés. Les civils, et surtout civilEs, ont aussi été victimes de cette guerre. Il est également très intéressant de noter les divergences entre les comportements des hommes, et des femmes. Plusieurs fois dans son journal, l’auteure, que j’ai sentie féministe, (Avec la VRAIE définition, pas celle passée dans le langage vulgaire et ignorant) fait remarquer que, contrairement aux stupides clichés véhiculés par notre société, les femmes ont davantage su rester dignes face au carnage qu’était devenu Berlin. Mais ce livre, ce n’est pas que les viols, pas que les femmes. Au-delà de cet aspect très spécifique, il y a aussi une dimension plus générale et très enrichissante. Ce bouquin, c’est aussi la faim. Les difficultés de ravitaillements, les coupons de rationnement, les vols… Finalement, la situation ressemblait beaucoup à celle de la France… Ce livre, c’est aussi la souffrance. Les maladies, les suicides, les bombardements… Je pourrais continuer longtemps ainsi, à vous énumérer tout ce que ce livre représente. Mais ce récit, c’est surtout une formidable leçon de vie, de bravoure. Inévitablement, le lecteur se remet en cause en lisant ces lignes, et se sent bien bête et naïf, dans son petit confort. Ce livre est un de ceux qu’on devrait tous lire, pour être conscient. Je ne suis pas objective à vous dire cela, mais j’espère que vous l’entendrez. C’est une chance que nous avons de pouvoir connaître le passé, il faut donc en profiter. Je ne vous cache pas qu’il y a plus divertissant comme ouvrage, mais lire, c’est aussi s’instruire. Et ce texte vous fait voir une multitude de teintes de l’Histoire de Berlin, des Soviétiques. Et surtout, il vous rappelle que malgré tout, l’humanité existe entre chacun d’entre nous. Je me perds un peu dans mes explications, alors la meilleure solution pour comprendre, c’est bel et bien de dévorer ce texte, croyez-moi. Il sera bien plus clair, et surtout, bien plus pertinent.
Encore une fois, chronique un peu particulière… Mais avec les témoignages, je ne peux pas vraiment faire autrement. J’espère de tout coeur que j’aurais réussi à vous convaincre, car ce récit mérité d’être lu et connu. Accessible mais percutant, il fait partie de ces écrits qui vous changent. On ne pourra jamais assez remercier les personnes qui ont pris ainsi le temps de témoigner, car ils sont tellement précieux… A lire, sans hésitation. Même s’il est dur, c’est une question de mémoire. Merci…
Livre se trouvant dans ma propre bibliothèque.
Ce livre a du être saisissant. Et même s'il est très loi de ce que je lis habituellement, si j'ai l'occasion, je le lirai. Merci de cette découverte.
De rien, c'est avec grand plaisir ! J'espère que tu auras l'occasion de le lire, car il est vraiment prenant.
J'ai de plus en plus envie de me plonger dans de tels témoignages et ce, grâce à toi ! Lire, c'est une autre façon d'apprendre, et surtout, généralement, l'impact est plus grand et surtout moins périssable. Je suis d'accord concernant la '' valeur des chiffres''. ils deviennent tellement grands, que, finalement, ca ne veut plus rien dire, ca devient totalement abstrait. C'est une statistique, ni plus ni moins. C'est une des raisons pour lesquelles je ne note pas les livres. Pas assez de flexibilité, de nuance avec les chiffres. Bref, chronique très intéressante, et ton thème de TPE est génial !
Tu ne pouvais me rendre plus heureuse qu'en me disant cela… Un énorme merci à toi ♥
On est d'accord pour les chiffres… Aussi bien pour des données que pour des notes, d'où mon système de notation en images plutôt qu'en chiffres !
Merci encore !
Grâce à ta chronique, j'ai vraiment eu envie de découvrir ce témoignage sur ce sujet terrible. En tout cas, très belle chronique ! 🙂
Je te souhaite vraiment de le lire un jour…
En tous cas, merci beaucoup 🙂
Je t'ai taguée ! liloum54.blogspot.fr/2015/10/tag-7-liebster-award.html