Mauvais fils
Titre : Mauvais fils
Auteure : Raphaële Frier
Editions : Talents Hauts
Année de parution : 2015
Pages : 95 pages
Prix : 7 €
Résumé :
« C’est pas le chantier qui me fait peur, Papa. Non, c’est pas le chantier, ni le patron. C’est ta manière d’en parler, c’est ton espoir de me voir adopter, enfin, une posture de mec. Parce que, tu ne le dis pas; mais tu trouves que je marche trop légèrement, hein ? Tu voudrais que je traîne avec une bande de vrais mecs, et t’as bien compris que je cours pas après Lella, n’est-ce-pas ? En fait, Papa, t’as un doute au fond de toi, quelque chose que tu sens, t’as pas de preuve mais tu ne peux pas t’empêcher de craindre le pire. C’est ça, qui me fait peur, en vrai. »
Mon opinion personnelle :
Je commence par remercier Gabriel et les éditions Talents Hauts pour ce bel envoi !
L’homophobie est un thème très peu abordé en littérature jeunesse, même si, depuis quelques années, il parvient tout de même à percer un peu plus. C’est pour cette raison que j’ai saisi l’opportunité que j’ai pu avoir, et décidé de dévorer ce petit roman, qui m’a plutôt bien plu.
Le narrateur, Ghislain, est un garçon discret, un peu perdu. Il n’a pas une vie facile, et tente, malgré tout ce qu’il subit, d’être fidèle à ses proches. Il est trop gentil, trop souple pour ce monde qui le renie. Inévitablement, on s’attache beaucoup à cet adolescent victime de trop d’injustices. Que dire de ses parents ? Son père, comme sa mère. Pas un pour rattraper l’autre. Il est déchirant de voir la façon dont ils traitent leur fils unique, leur dégoût, leur honte. Ce ne sont pas des personnages humains. J’avoue que j’avais, parfois, du mal à me mettre dans le crâne que des gens comme ça existent vraiment. Ils semblent si… Mauvais ? Il y a bien entendu d’autres personnages dans ce récit, qui apportent un peu de douceur, mais que je ne vous présenterai pas pour ne pas vous spoiler. Cependant, je tiens au moins à vous dire que ce que j’ai apprécié avec cet ouvrage, c’est que, malgré le court nombre de pages, l’auteure parvient à donner vie de façon saisissante à tous ses personnages, de manière à ce qu’on puisse étonnement bien cerner chacun d’entre eux.
J’ai bien accroché avec le style d’écriture. Ce n’est pas forcément la plume qui va me marquer le plus, et qui brille par sa poésie. Non. C’est par sa simplicité qu’elle brille, justement. Les mots viennent comme ils sont, ce qui les rend plus authentiques. L’ouvrage se lit facilement, rapidement. Il est difficile de lâcher, tant la lecture devient naturelle. La narration à la première personne est une bonne chose, qui permet d’être encore plus touché par l’histoire, et rend ce bouquin d’autant plus fort. Le lecteur se sent sincèrement concerné par ce récit, par le combat de Ghislain. Les mots sont comme des petits coups de poing qu’on affronte tout au long de la lecture, qui, de toute leurs forces, crient la vérité pour qu’on les entende…
L’intrigue est très intéressante. Sa construction est pertinente : Elle va assez vite au début, puis s’attarde de plus en plus sur les « détails » au fil des pages. Je ne vous apprends rien, les deux thèmes abordés sont l’homosexualité, et l’homophobie. Prendre le risque d’écrire un roman presque uniquement basé sur ces deux sujets est une bonne chose : On pourrait rapidement s’ennuyer et tourner en rond. Fort heureusement, ce n’est absolument pas le cas. Suivre l’évolution de Ghislain est quelque chose que j’ai énormément apprécié. On apprend à le découvrir, à l’aimer. Et puis, petit à petit, on voit la chrysalide qu’il est au début du texte éclore (Ca se dit, l’éclosion d’une chrysalide ? Je fais genre comme ça, mais je ne m’y connais absolument pas en métaphores animalières) pour devenir un magnifique papillon resplendissant de vie. L’auteure ne cherche pas à cumuler les péripéties inutiles, elle va droit au but en privilégiant les sentiments. Dans ce livre, la réflexion prime sur l’action, et c’est principalement ce qui m’a plu. Ca fait du bien, parfois, de se poser, pour songer. Si l’on ne rit pas vraiment avec ce livre, ce n’est pas pour autant qu’il est totalement sombre. Au contraire, c’est un formidable message d’espoir, un encouragement pour tous les jeunes homosexuels en détresse, rejetés par ceux qu’ils aiment. Il y a des passages, des mots, vraiment très difficiles dans cette lecture, je ne vous le cache pas. Parfois, il faut relire les phrases pour être sûr de ne pas avoir cauchemardé. On découvre des mentalités et des actes ignobles. Mais ce bouquin, c’est aussi une prise de conscience. Pour ceux qui ont la chance d’être acceptés tels qu’ils sont, pour ceux qui n’auront jamais besoin de se demander si leurs parents, leurs amis, ne vont pas les jeter à cause de leur orientation sexuelle. Hétérosexuel, homosexuel, à la lecture de cette ouvrage, on pourrait (presque) dire qu’on s’en fout. Le message, tout le monde doit l’entendre. Franchement. Bon, je ne vous cache pas que j’ai eu quelques déceptions avec ce livre. Par exemple, j’aurais aimé pouvoir en lire encore un peu plus, ou bien, j’aurais souhaité approfondir certains points de l’histoire. Cependant, ces points me sont venus après la lecture. Car lorsqu’on dévore ce livre, on se concentre, on occulte tout, sans forcément chercher à le faire. C’est toute sa force, toute sa douleur, tout son réalisme.
Pour être honnête, je ne sais pas vraiment ce que j’ai pensé de la fin. Je suis un peu plus partagée que pour le reste de l’ouvrage. Il y a de très bonnes idées qui sont utilisées pour conclure ce récit. Mais j’ai toutefois eu l’impression d’être un peu perdue, de voir la cadence trop s’accélérer. J’ai eu le sentiment de lire quelque chose d’un peu plus brouillon que ce qui précédait cette chute. J’imagine, au vue de ce qui advient, que cela était voulu, pour styliser la colère, l’injustice. En fait, dans ce bouquin, c’est une sorte de violente amertume qui gonfle, gonfle, gonfle, jusqu’à exploser dans les dernières pages. Du coup, on a un peu de mal à suivre. Mais, à part cela, le reste est très bien amené. Là encore, cela sonne juste. Et même si c’est toujours aussi dur, c’est bourré d’espoir. Ce roman nous apprend à croire, croire en nous, en l’avenir. C’est tout con. Mais c’est quelque chose d’énorme. Et qui est pourtant loin d’être simple à faire.
J’aime beaucoup le titre, assez sarcastique, très fort, très vrai. Il représente bien l’état d’esprit du texte, le met en valeur. Il en est de même pour la couverture. Personnellement, j’y vois beaucoup de symboles, avec ce visage de jeune homme à demi noyé sous l’eau. Et ces yeux clairs qui vous accusent, ou vous interpellent. Les couleurs froides s’accordent elle aussi très bien avec le contenu du livre, c’est donc un très bon ensemble.
Voilà donc une belle lecture que je vous recommande très vivement. Elle a le mérite d’oser, et en plus, elle le fait bien. Ce roman, c’est une leçon de vie, d’humanité. On devrait en voir plus souvent, des comme ça. En attendant, n’hésitez pas à commencer avec histoire qui frappe et qui marque…
J’ai adoré ! |
Livre se trouvant dans ma propre bibliothèque.
Livre reçu grâce aux éditions Talents Hauts. Merci à eux !
Je le vois un peu partout en ce moment et je dois dire que tu me donnes encore plus envie de le lire.
C'est un livre qui aborde un thème pour le moins intéressant et très tabou.
Moins qu'auparavant mais encore trop.
Je suis totalement d'accord avec toi, c'est bien pour cela qu'il ne faut pas hésiter à le lire si l'on en a l'occasion !
Ce n'est pas un livre devant lequel je me serais arrêtée,
Cela peut se comprendre, mais je pense qu'il mérite tout de même d'être lu 🙂